Tout a commencé par un étrange grattement dans le grenier. Un bruissement, rien de bien gênant dans un premier temps. Puis le grattement s'est fait
trottinement.
Plus de doute, une souris squatte le grenier.
Mais par où est-elle entrée et de quoi se nourrit-elle ? Là-haut, il n'y a que de la laine de verre pour l'isolation, rien de vraiment digeste pour une
souris.
Bon, pour le moment bien qu'elle déteste les souris, elle en prend son parti, nul doute que la bestiole va rapidement s'intoxiquer et les laisser en
paix.
Mais non, jour après jour le trottinement se fait plus présent comme si la souris grossissait encore et encore. Impossible !!! Elle devrait être à l'agonie
maintenant.
Dans la journée, c'est le calme, tout relatif dehors : le bruit du vent dans les arbres, le chant des oiseaux, le passage épisodique d'une voiture, le cri d'un enfant, le bruit d'une tondeuse à gazon, mais à l'intérieur pas un bruit, ce silence qui règne alors qu'elle tend l'oreille pour surprendre l'animal, l'angoisse.
Mais au coeur de la nuit, à l'heure où le noir règne sans partage le bruit reprend, trottinements, frottements, bruissements qui deviennent elle en est bien certaine, galopades de plus en plus présentes.
Ce n'est plus supportable, il faut faire quelque chose pour retrouver le repos qui la fuit, pour chasser cette fatigue qui s'amoncèle sur ses épaules, il faut chasser ce bruit qui devient menace.
Son compagnon, lui, n'a pas l'air incommodé. Il dort toujours du sommeil du juste et a bien du mal à comprendre son angoisse.
Franchement des crises d'angoisse pour une simple souris, pourquoi pas des crises de panique pendant qu'elle y est. Ah, les femmes.
Mais bon, il l'aime alors il va acheter des graines empoisonnées. Se glissant par la trappe qui conduit au grenier, il répand généreusement le grain mortel. Elle doit rêver, pense-t-il en toussant, ce n'est pas possible pour une souris de vivre dans un environnement aussi urticant. Voilà, la manoeuvre est accomplie, il n'y a plus qu'à attendre.
La même nuit, elle se réveille à nouveau en sursaut, la bête est toujours vivante, mais elle n'est plus dans le grenier, c'est sûr elle est descendue, elle est
maintenant planquée dans la cloison. Elle le secoue.
Tu l'entends, dis, tu l'entends ?
Non, il n'entend rien, ce n'est pa faute de tendre l'oreille, mais non, il n'entend rien. Bon d'accord, demain il posera des pièges.
Ca y est, ça a dû fonctionner, elle a merveilleusement bien dormi.
Vas voir, la souris doit être morte !!!
Il monte dans le grenier, mais non rien, le piège est vide.
Non, ce n'est pas possible, son coeur se met à battre comme un fou, la souris s'est moquée d'elle la nuit dernière, elle a fait semblant, voilà elle a fait
semblant.
Mais tu es folle de penser des choses comme ça voyons, elle a eu peur et elle est partie voilà tout, allons calme-toi je t'en prie.
La nuit est tombée, en tremblant d'appréhension elle se couche, elle se niche dans ses bras, s'il n'entend rien, peut-être que bien blottie contre lui elle n'entendra rien non plus.
Peine perdue, si l'animal s'est tenu tranquille la nuit précédente, maintenant il se déchaîne. La nuit n'est plus que gémissements, fredonnements, grincements, gémissements, chuchotements, plaintes, lamentations, et lui, lui n'entend rien c'est impossible, et pas moyen de le réveiller pour quémander un peu de réconfort.
S'il n'entend rien, c'est qu'il n'y a rien à entendre. Alors pendant plusieurs jours elle fait comme si, comme si ses nuits étaient parfaites, mais ce n'est pas vrai, nuit après nuit la sarabande démoniaque reprend. Maintenant elle est sûre que la bête est cachée dans le placard de la chambre, elle la guette, elle attend qu'elle fasse l'erreur de se lever la nuit pour l'attaquer, forcément c'est ça, elle veut l'attaquer.
Alors un matin, elle craque, elle crie, elle hurle sa peur.
Devant ce déferlement d'émotion, devant son air défait, il la supplie d'aller voir le médecin.
Mais non, pas de médecin, il doit trouver la souris, il doit la tuer, par pitié.
Démuni devant cette souffrance, il sort, il va passer à la pharmacie demander un médicament pour l'aider.
Elle est seule dans la maison. Seule ? Non, bien sûr que non ! ELLE est là aussi qui la guette, prête à lui sauter dessus. D'ailleurs, elle l'entend là dans la
cloison. Puisque personne ne peut l'aider, eh bien elle va se débrouiller toute seule. Elle va dans le garage, elle prend la pioche qui sert à creuser les trous pour les plantations. De retour
dans la maison, elle commence à défoncer les murs, elle suit le trottinement et chaque fois qu'il s'arrête, elle donne un grand coup. Bientôt, la chambre ressemble à une pièce dévastée par une
bombe.
Alors la porte d'entrée s'ouvre et il apparaît ahuri par ce déchainement de rage et fureur. Il arrive à la maîtriser et appelle les secours.
Bientôt ils sont là, le médecin lui fait une piqure qui l'assomme, on l'attache sur le brancard et on l'emmène vers l'hôpital le plus proche. Elle est devenue folle, mais pourquoi ? Une souris qui grignote dans le grenier, vous vous moquez de nous mon pauvre ami, une pareille crise pour une petite souris, c'est impossible ?!
Et tandis que l'on entend la sirène de l'ambulance s'éloigner, dans la chambre ravagée, une ombre ricanante sort du mur. Elle respire avec délectation les odeurs de peur et de folie qui saturent la pièce. Puis ce qui ressemble à une souris déformée sort de la maison. Sur le seuil, elle s'arrête, son radar commence à tester l'entourage, une phobie, il doit bien y avoir d'autres phobiques qui vivent dans les parages. En quelques instants la chose passe par plusieurs formes, araignée, serpent, chien,... elle hésite, il ne faut pas se tromper c'est la peur qui la fait vivre, qui la nourrit, mais si jamais elle se trompe et tombe sur quelqu'un qui résiste à sa phobie, qui lui résiste, elle disparaitra. Pour le moment, elle se refuse à accepter ce fait. Ah ça y est, là-bas, il y a une odeur qui la ravit, alors dans un dernier rire grinçant la chose, la Phobie disparaît.