
Depuis quelques temps il lui semble que le brouillard dans lequel il erre depuis un millier d'années commence à s'éclaircir.
Au-delà de la paroi, les marches qui l'ont conduit à sa prison puis ont disparu commencent à s'iriser.
Lorsqu'il appuie sur la membrane vibrante qui l'entoure, il la sent qui épouse sa main, mais il est encore trop faible pour pouvoir passer au travers.
Les jours passent, mais il n'est plus à quelques journées près, lui qui attend depuis si longtemps.
Jour après jour, le paysage au-delà du mur scintillant se précise.
Les marches colorées brillent de plus en plus, un peu plus loin il commence à distinguer les grands arbres qu'il a tant aimé.
Parfois des promeneurs passent, il les entend qui parlent, rient, parlent de lui, mais pourtant aucun ne semble le voir, sauf de temps en temps un petit enfant ou un chien qui s'arrête en haut des marches et le regarde comme on regarde un rêve.
Il sait que sa libération est proche. Il en est à la fois heureux, sentir à nouveau l'air vivre autour de lui, et malheureux, si sa prison se délite cela veut aussi dire que son aimée est faible, peut-être même a-t-elle disparu. Elle l'a trahi, mais il ne peut empêcher son cœur de battre un peu plus vite quand il pense à elle.
Enfin, un jour d'automne ruisselant d'or, d'ambre et de lumière, il s'approche à nouveau du mur de sa prison.
Il applique ses mains dessus et appuie de plus en plus fort.
Dans un scintillement et un souffle il voit ses mains, puis ses bras passer au travers.
Plus de doute, le jour est venu.
Il respire un grand coup et avance résolument d'un pas, puis de deux, il a l'impression de passer au travers d'un brouillard qui lui caresse le visage, il entend des voix, des cris qui viennent de loin assaillir ses oreilles, mille senteurs envahissent son nez, des images de gloire, d'amour et de destruction l'agressent.
Enfin, comme un nouveau-né, il émerge de ce placenta qui le gardait prisonnier.
Devant lui les marches semblent l'appeler.
Il commence à gravir l'escalier iridescent.
Ca y est il est dehors. Le rire de son aimée l'entoure.
Malgré le mal qu'elle lui a fait il va partir à sa recherche.
Mais, dès ses premiers pas, il le sent, le ressent, la magie a presque entièrement disparu de ce monde.
Est-il revenu à temps ?
Il se retourne vers ce qui fut sa prison et son havre pendant si longtemps, les marches déjà s'estompent, la forêt reprend ses droits.
Alors, Merlin fait à nouveau face à son destin et s'enfonce sous les frondaisons de Brocéliande.