Pour Jill Bill nous allons aujourd'hui accueillir Pénélope dans la Cour de récré.
Bon forcément, Pénélope ne peut être qu'une tisseuse, on ne peut pas aller contre le destin.
Mais comme elle débarque à Bigorbourg, ça ne peut pas être une simple tisseuse.
Donc qui peut-elle être et que va-t-elle tisser ?
Non, ce n'est pas une araignée, encore que ces petites bêtes font des merveilles que j'admire beaucoup (du moment qu'elles ne s'installent pas dans un coin de mon plafond –non pas ma tête, mauvais esprits que vous êtes !-)
Bon, donc en partant du postulat qu'il nous faut une tisseuse qui sorte un peu de l'ordinaire, je me suis creusé la tête et je me suis souvenue d'une photo faite il y a quelque temps et d'une citation trouvée il y a longtemps (je vous mets ça en fin d'histoire).
Bien, après ce détour, revenons à Pénélope.
Pénélope est une vieille de la vieille. Bon d'accord elle n'est
pas aussi âgée que les 3 G (pour mémoire les trois cloches de l'église,
Gudule, Guduline et Gudulette) mais elle
travaille main dans la main (ou pour être plus exacte aiguille dans le battant)avec elles.
Ca y est une petite idée de qui peut bien être Pénélope. Facile quand même !
Oui, Pénélope est l'horloge installée sur le clocher de Bigorbourg. Et depuis que Scarabine et Paraboum (le Jaquemart de Bigorbourg) ont décidé de ne plus indiquer l'heure, mais le temps, Pénélope est la seule à tisser. A tisser quoi ? A tisser le temps évidemment.
Comme nous sommes à Bigorbourg, il est bien évident que le temps ne se tisse pas de la même manière que dans les bourgs normaux.
Pénélope est une charmante horloge en dentelle de fer forgé. Ses aiguilles sont délicates et se terminent en forme de fleur du plus bel effet. Assez curieusement, sûrement quelque chose de bizarrement installé dans son mécanisme, mais ce n'est pas toujours la même cloche qui sonne l'heure pour elle.
Pour commencer parlons des choses triviales. Anthelme le bedeau doit venir remonter Pénélope au moins une fois par semaine, mais comme ce brave homme n'est plus de première jeunesse, Pénélope se fait toute douce et il n'a pas besoin de forcer sur la grosse clé qui sert de remontoir et comme il n'arrive pas à se mettre dans le crâne les subtilités des passages à l'heure d'été et d'hiver, Pénélope encore très aimablement règle elle-même ses aiguilles (il faut dire qu'elle a pratiqué cette discipline dans son jeune temps –eh oui, l'heure d'été avait commencé à sévir en 1916, merci à Benjamin Franklin pour en avoir émis l'idée pour la première fois !-).
Passons maintenant aux choses sérieuses. Comment Pénélope tisse-t-elle le temps de Bigorbourg et que fait-elle pour faciliter la vie aux Bigorbourgeois ?
C'est simple ! Mais si, mais si !
Du haut du clocher, Pénélope s'est depuis longtemps rendu compte que les humains qui vont et viennent ont parfois une curieusement conception du temps.
Parfois ils s'exclament "Zut, plus que 10 minutes pour terminer mon devoir".
Ou bien "Et barbe, encore une demi-heure à attendre avant que la bibliothèque n'ouvre".
Il y a aussi "Y en a marre, le temps ne passe pas, encore 1 heure de boulot".
Et bien évidemment le pendant "Hélas, plus qu'une heure avant son départ".
Ou bien "Chic, encore le temps pour un tour de manège"
Ou "Chouette, plus que deux minutes avant de partir en vacances"
Vous avez bien sûr remarqué que les mots "encore" et "plus que" sont accommodés à toutes les sauces, favorable ou défavorable, le tout étant l'intention placée dans l'intonation et l'action en cours.
Reconnaissez, par exemple, qu'un quart d'heure passé chez le dentiste (sauf pour les masochistes)dure beaucoup plus longtemps qu'un quart d'heure de natation (enfin pour ceux qui aiment l'eau).
Pour résumer les choses, Pénélope a bien compris que les humains ne sont jamais en phase avec le temps qui passe.
Je ne parle même pas des paradoxes spatio-temporels parce que là, Pénélope a aussi un peu de mal à suivre.
Bref, je vous laisse trouver vos propres repères temporels.
Revenons, si vous le voulez bien, à la technique brevetée "Pénélope" pour rendre le temps agréable aux Bigorbourgeois.
La recette paraît toute simple "Allonger au maximum les moments de plaisir et raccourcir le plus possible les pensums."
Seulement voilà, tout est question de dosage.
C'est vrai, vous vous voyez vivre toujours dans la béatitude, sans période de stress, de peur, d'ennui ? Franchement, ça manquerait un peu de variété, de piquant et d'ailleurs on ne se rendrait même plus compte que l'on est heureux.
Aussi, dans sa grande sagesse, Pénélope n'intervient que dans les cas qu'elle juge incontournable. Les parents et grands-parents qui voient leur enfant repartir après les vacances ont le droit à quelques heures qui durent longtemps, le lecteur plongé avec délice dans un livre se verra offrir le temps de finir son chapitre, chez le dentiste la roulette ne vrombira qu'une toute petite minute, l'enfant qui se casse un bras se retrouvera plâtré et soulagé en un clin d'œil.
Pour le reste, il va falloir apprendre à gérer son temps pour rendre ses devoirs en temps et en heure ou pour boucler un dossier important, il faudra savoir endurer le mal de tête qu'une aspirine est capable de soulager. Si on se couronne un genou, tant pis, il faut donner le temps à Maman ou Papa de faire le bisou qui va bien. Et si, si, le soir il faut filer au lit sans trop râler, d'ailleurs les rêves n'attendent pas, eux aussi ont des problèmes avec le temps.
Bien sûr, gérer tout cela, c'est un peu casse-tête pour Pénélope qui, parfois, arrive à s'emmêler les aiguilles en tricotant le temps. Il ne faut donc pas trop s'étonner si parfois Gudule, Guduline ou Gudulette sonne l'heure avec un peu d'avance ou de retard.
Et comme dit le latiniste distingué "Carpe Diem". Alors
savourez le temps, qu'il soit long ou court !
Voici la très jolie citation que j'avais relevée et qui résume ma petite histoire "Les heures heureuses ne sont point comme les heures ordinaires limitées à leur brève existence de 60 minutes si vite écoulées, si vite oubliées. Elles ont l'étonnant privilège de se prolonger indéfiniment dans le temps et dans le souvenir de ceux qui les ont vécues."