La petite fabrique d'écriture nous a lancé sur le thème des vêtements. Voilà ma
version personnelle et véridique.
Pour mon entrée en sixième, ma mère m'avait choisi dans le catalogue du "Mulet Rouge" un ensemble manteau et
bonnet marron glacé avec parements de fourrure (fausse bien sûr).
Moi, j'aurais préféré le vert bronze, mais j'ai eu le droit aux "le marron c'est moins salissant" "le marron
c'est indémodable" comme si à onze ans je n'allais pas grandir encore.
Bref, je me retrouvais au début de l'hiver, dans la cour de récréation, engoncée dans mon superbe manteau dans
lequel je me sentais d'autant plus mal à l'aise que d'une part il faisait trop "classe", trop "endimanché" au milieu des anoraks et autres blousons de mes condisciples.
Et en plus, cerise sur le gâteau si je puis dire, je n'avais pas pu y couper il avait fallu que je mette le
bonnet.
Or, j’étais une fille obéissante.
Or, le bonnet avait un pompon !
Or, pour la première fois de ma vie j'étais dans une école mixte (je vous parle d'un temps que les moins de 20
ans (et même de 30), enfin vous connaissez la chanson).
Or, le propre d'une école (enfin d'un collège) mixte c'est qu'il y a des garçons !
Or, les garçons c'est lourd et ça ne recule devant aucune mauvaise blague !
Or, donc me voici pauvre esseulée au milieu d'une meute de jeunes futurs acnéiques en train d'essayer de
rattraper mon pauvre bonnet qui s'envole au-dessus de ma tête pour passer de main en main.
Or, in petto, je maudis ma mère pour m'avoir imposé cette fichue tenue !
Et, enfin je récupère mon bonnet d'un côté, mon pompon de l'autre parce que bien sûr ces foutus jeunes rouleurs
de mécanique n'ont rien trouvé de mieux que d'arracher le pompon sus-cité.
Ma mère maugréant a recousu le pompon et en dépit de mes protestations et de mes supplications m'a renvoyée au
collège avec la même tenue.
Et devinez !
Ben, oui ce qui devait arriver, arriva à nouveau.
Les garçons avaient trouvé une tête de turc et un nouveau jeu super drôle, "piquer le bonnet de l'autre
tartignole"
Et je revins à la maison, non pas une, mais plusieurs fois avec le moral dans les chaussettes (parce qu'à
l'époque à 11 ans les filles portaient encore des chaussettes, se reporter ci-dessus à la phrase -je parle d'un temps, etc-) et mon pompon dans la main.
Or donc la diplomatie ayant échoué et ayant une mère qui du genre "aux grands maux, les grands remèdes", je
repartis le lendemain avec mon manteau (que je commençais à détester grave) sur le dos et mon bonnet (que je haïssais carrément) sur la tête.
Seulement, ma mère avait concocté une petite surprise pour les mauvais plaisants.
Comme d'habitude je me retrouvais au milieu de l'arène.
Les fauves étaient lâchés.
Au milieu des rires, un moutard ricanant s'empara à pleine main de mon bonnet par le pompon.
Et là, il tomba sur la surprise maternelle, hurla en se tenant la main et lâcha mon bonnet au milieu de la
consternation générale.
Le pompon, qui était une boule de fourrure compacte, avait été copieusement garni d'épingles !
Bref j'avais sur la tête une bombe à retardement.
Ces grands flandrins sans aucune vergogne allèrent se plaindre au directeur, je dus expliquer les mauvaises
plaisanteries dont j'étais victime depuis un moment et la parade inventée par ma mère.
Nous fûmes renvoyés dans nos buts par un directeur qui n'en avait pas grand chose à faire (c'était comme ça en
68/69 interdit d'interdire).
En tout cas, j'eus ensuite une paix royale du côté du bonnet, mais une vie sociale assez médiocre, ce qui peut
se comprendre.
Dieu merci, je grandis et l'année suivante ma mère n'insista pas pour m'habiller à nouveau comme une petite
fille modèle, je rentrais dans le rang avec un anorak tout-à-fait standard et très franchement je ne sais plus ce que sont devenus manteau et bonnet, d’ailleurs cela ne m’a jamais empêchée de
dormir !
Si l'un de mes persécuteurs se reconnaît ici, je refuse de payer des dommages et intérêts pour les éventuelles séquelles dûes aux
piqures d'épingle