Voilà un
prénom plein de panache pour la Cour de Récré de Jill Bill.
Victoire
habite chez Faustine la Dame Nature de Bigorbourg.
Dans la
petite maison au milieu de la forêt, elle a sa chambre et voilà son histoire.
Victoire est
arrivée un beau jour du fin fond de l'Amérique du Sud, elle avait entendu parler de Bigorbourg et de Dame Faustine, les nouvelles avaient peut-être été portées par un vent cousin de Landry ou un nuage ami de Sabine, quoiqu'il en soit un beau jour elle décida de tenter la grande
aventure et prit l'avion.
Enfin quand
je dis l'avion, il faut comprendre qu'elle prit l'oiseau. Elle voyagea confortablement installée entre les plumes de plusieurs oiseaux, d'Amérique du Sud vers l'Amérique du Nord, de l'Amérique du
Nord vers l'Afrique, de l'Afrique vers l'Europe, au gré des migrations de ces grands voyageurs.
Cela lui prit
quelques saisons, mais elle n'était pas pressée et un beau jour, l'oiseau grand courrier repéra la maison de Faustine.
Toute
guillerette, Victoire lui emprunta quelques duvets en guise de parachute et se lança dans le vide. Landry prévenu de son arrivée se dépêcha de lui prêter main forte et la déposa saine et sauve
sur les genoux de Faustine.
En cette belle
fin d'hiver, Faustine encore dans son grand âge avait parcouru la forêt pour préparer la venue du printemps et, fatiguée, s'octroyait une petite sieste bien méritée, lorsqu'elle fut réveillée par
un petit "ploc".
Quelque chose
venait d'atterrir sur ses genoux, elle baissa les yeux et découvrit une baie globuleuse, brune, couverte d'épines.
La drôle de
graine ouvrit deux grands yeux verts, une petite bouche rose se dessina également à sa surface.
« Bonjour, Madame » dit-elle fort poliment avec un charmant petit accent chantant.
Faustine, ne
s’étonnant plus de rien depuis fort longtemps glissa une main délicate sous Victoire pour la soulever et répondit.
« Bonjour, jeune demoiselle, que puis-je faire pour vous ? »
« Si cela ne vous dérange pas, j’aimerais beaucoup m’installer dans votre beau pays, avez-vous un petit
coin pour moi ? »
« Quel genre de petit coin, vous faut-il ma mignonne. J’ai assez peu l’habitude de m’occuper de jeune fille aussi exotique que vous »
« Eh bien, un petit étang serait parfait »
« Un étang ? C’est fort fâcheux, nous n’avons malheureusement pas d’étang dans les
parages »
Voyant deux
larmes se mettent à trembler dans les grands yeux verts, Faustine reprit rapidement.
« Allons mon enfant, pas de larmes, à cœur vaillant rien d’impossible, nous allons sûrement trouver une
solution rapidement. En attendant je suis sûre que le bassin de mon jardin pourra vous abriter quelques jours »
Et joignant le
geste à la parole, Faustine y déposa la brune Victoire, qui trouva l’eau un peu fraîche, mais ce n’était pas le moment de faire la fine bouche.
Comme nous
sommes à Bigorbourg, vous vous doutez bien que le problème n’allait pas rester irrésolu bien longtemps.
La belle
ondine Olive entrepris quelques travaux d’aménagement le long de la rive de sa rivière, elle s’arrangea pour fermer une des boucles du cours d’eau, elle en creusa le centre et y ajouta eau,
poissons et plantes aquatiques.
Le lendemain
matin, les bigorbourgeois découvrirent l’étang nouveau-né et se demandèrent quelle serait la prochaine surprise.
Ils n’eurent
pas longtemps à attendre.
Le premier
jour du printemps, une grande feuille circulaire et duveteuse, pourvue d’un rebord s’étalait à la surface de l’eau. Puis, à leur grand émerveillement une gigantesque fleur blanche sentant
délicieusement bon l’ananas déploya une centaine de superbes pétales. Le lendemain encore la fleur était devenue d’un beau rouge.
Et alors que
dans son pays d’origine « Victoria Cruziana », puisque tel est son véritable nom, aurait dû se refermer et retourner sous l’eau, Victoire décida, pour remercier son pays d’adoption, de
continuer à fleurir pendant tout le printemps.
Les
papillanges et les poissillons prennent un énorme plaisir à se reposer et à jouer sur la grande feuille de leur nouvelle amie.
Quant à
Faustine, elle a préparé une petite chambre douillette pour que l’hiver prochain la jolie Victoire puisse attendre en toute tranquillité la venue du prochain printemps.