Prénom classique dans la Cour de Récré de Jill Bill aujourd'hui.
Sylvère, le fleuriste es-plantes en pot de Bigorbourg est aux 400 coups.
Il vient d'apprendre qu'une autre fleuriste avait l'intention de s'installer à Bigorbourg.
Ce n'est pas tant la concurrence qu'il craint, mais la venue d'une personne qui va maltraiter les fleurs, les cueillir !!! Ce qui est absolument inimaginable pour lui, cueillir des fleurs, les faire volontairement souffrir, causer leur mort prématurée. Non, non et non ! Hors de question !
Voilà donc plusieurs jours que le pauvre Sylvère se ronge les ongles en suivant les travaux d'installation de la future boutique de fleurs.
D'ailleurs, qu'il est de mauvais goût ce magasin ! Un endroit qui va accueillir les 1000 couleurs de la nature devrait être sobre, jouer sur l'uni, sur le passe-partout, du blanc, du beige enfin une teinte neutre qui mettrait en valeur les pensionnaires. Mais non ! C'est Wallis, cette sacrée hippie qui s'occupe de l'église qui s'est attelée à la tâche de décorer l'endroit.
Inutile donc de préciser que les couleurs se côtoient, se mêlent, voire s'entrechoquent !
Et voilà qu'un jour, un gros camion accompagné d'une petite voiture multicolore s'arrêtent devant le magasin qui arbore une enseigne au nom un peu énigmatique "Clotilde, fleurs sur-mesure".
Comme si des fleurs pouvaient être domestiquées. "Du grand n'importe quoi" pense Sylvère en épiant la demoiselle qui sort de la voiture.
Elle est accueillie par le cri de joie d'une Wallis qui lui saute au cou, une Wallis qui ressemble comme deux gouttes d'eau à la nouvelle venue.
Sylvère comprend mieux les choix des couleurs de la boutique, "telle sœur, telle sœur" se dit-il goguenard.
Le camion déverse tout un bric-à-brac coloré que ne renierait pas Monsieur Balthazar le propriétaire du bazar.
Sylvère attend avec appréhension l'arrivée des malheureuses fleurs torturées, mais rien. Enfin, si une multitude de vases de formes et de couleurs aussi diverses que variées sont installés dans la devanture par les deux sœurs.
Bon, les fleurs arriveront sûrement demain. Sylvère se promet de revenir surveiller dès que possible.
Et le lendemain, des fleurs magnifiques tout aussi extraordinaires que les vases qui les accueillent trônent dans la boutique. Il a beau tendre l'oreille, il n'entend aucun cri de souffrance, bizarre, très bizarre. Alors, il se décide, traverse la rue et entre d'un pas qu'il espère ferme chez la jeune fleuriste. Un petit carillon guilleret l'accueille et là, surprise !
Derrière le comptoir la charmante Clotilde assemble … des fleurs en papier blanc !
Sylvère en reste bouche bée, ses yeux font l'aller retour entre ces fleurs toutes bêtes et celles somptueuses déjà installées.
Un rire doux comme un pétale de fleur le ramène sur terre.
"Ne vous en faites pas, cher monsieur, mes fleurs ne souffrent pas et ne meurent pas"
"Mais, mais, mais"bêle Sylvère.
A nouveau le rire et quelques explications complémentaires.
Clotilde sort de dessous le comptoir une petite bouteille, elle en extrait une tige prolongée d'un anneau et souffle dedans. Une bulle de savon s'envole et vient se poser sur la fleur blanche qui prend aussitôt de merveilleuses couleurs chatoyantes.
"Vous voyez ! Ici, ni les fleurs, ni les bulles de savon ne disparaissent, elles deviennent autres, simplement !".
Sylvère est conquis par ce talent inédit et ces étranges fleurs
caméléons et dès le lendemain, il arrive, tout rougissant et tend à Clotilde un superbe cactus en pot, je sais, je sais, ça manque
peut-être de romantisme, mais Sylvère est ainsi fait et, aux dernières nouvelles, cela semble plaire beaucoup à Clotilde.
Quant aux Bigorbourgeois, ils peuvent décorer leurs intérieurs de fleurs parfaitement en harmonie avec leurs souhaits sans faire souffrir personne, que demander de plus.