Prénom très chevaleresque aujourd'hui pour la Cour de Récré de Jill Bill, mais mon Perceval n'a pas eu envie de revêtir une armure, alors je l'ai laissé
faire.
Madame Thècle est postée, les poings sur
les hanches, au milieu du jardin qui entoure son salon de thé et elle râle ferme !
Pourquoi la sorcière de Bigorbourg
râle-t-elle ?
A cause des déprédations que son beau
jardin vient de subir.
Plusieurs taupinières déparent la pelouse
et les plates-bandes.
"Ah bon
sang, si je tenais le petit sagouin qui m'a fichu cette pagaille, je lui…, je lui…"
Madame Thècle est tellement furibarde
qu'elle ne trouve même pas quel pourrait bien être le terrible sort qu'elle lancerait sur le malotru qui a transformé son jardin en champ de mines.
C'est alors qu'une petite voix chagrine
s'élève.
"J'en ai marre !
Personne ne m'aime !"
Madame Thècle sursaute et regarde autour
d'elle.
La voix reprend.
"C'est vrai quoi,
c'est pas juste ! Je rends plein de services et personne ne me remercie."
"Qui
parle ?" s'enquière Madame
T (vous m'excuserez pour l'abréviation, mais je ne vais pas continuer à taper le nom en entier, c'est
fatigant).
"Moi
!"
"Moi qui
?"
"Moi,
Perceval"
"Auriez-vous l'amabilité de vous montrer" demande Madame T en grinçant des dents.
"Vous pourriez le
demander un peu plus gentiment".
"Quoi,
j'ai bien dit –auriez-vous l'amabilité- ?"
"Oui, mais avec
une vilaine grimace, c'est pas sympa ça"
"Une
minute, si c'est vous qui avez fichu la pagaille dans mon jardin, j'ai bien le droit d'être de mauvaise humeur et pas sympa non ?"
"Non
!"
"Non ? Et
pourquoi non je vous prie ?"
"Parce que j'ai
débarrassé les racines de vos fleurs de vilains insectes qui voulaient les boulotter. Dites donc pour une sorcière vous n'en savez pas long sur la nature."
"Mais, je
ne vous permets pas, je suis très respectueuse de la nature."
"Justement, vous
devriez bien savoir que je suis drôlement utile alors."
Madame T, tape du pied, elle commence à
en avoir un peu assez de parler dans le vide. Quelques mouvements des doigts et le jardin s'éclaire.
"Aïe, ça fait mal
! Vous êtes malade ou quoi ? Je ne vois plus rien moi, déjà que je ne vois pas grand-chose en temps normal ! Vous voulez me rendre complètement aveugle, c'est méchant, très
méchant."
Quelque chose de chaud et de doux vient
percuter les chevilles de Madame T.
Elle baisse le regard sur un petit animal
brun, au museau pointu pourvu de grosses pattes griffues et de tous petits yeux qui clignent.
(Bon au cas où
ce dialogue vous étonnerait, je me permets de vous rappeler que Madame T en tant que sorcière comprend le langage des animaux.)
"Oups,
excusez-moi, la colère est mauvaise conseillère" répond Madame T en baissant la puissance de la lumière "Là, c'est mieux ?"
"Oui" grommelle le petit taupe (je suis pour la parité pas
de raison que le mot taupe ne puisse pas être utilisé au masculin).
Il risque un petit coup d'œil vers la
grande deux pattes qui le domine.
"Vous êtes
toujours fâchée ?"
Madame T, le voyant si confus, se met à
rire.
"Non, je
me suis énervée pour rien, un instant j'ai oublié que j'étais une sorcière"
Un nouveau claquement de doigts et il ne
reste plus que le tunnel de sortie de Perceval, le reste du jardin a retrouvé son intégrité.
"Vous savez, je
ne peux pas faire autrement"
"Je sais
bien mon petit, mais que veux-tu je suis soupe au lait parfois et puis il faut reconnaître que tes décors ne sont pas au taupe" (là Madame T pouffe, il lui
en faut vraiment peu n'est-ce pas ?)
Perceval hausse ce qui lui sert d'épaules
"Ah c'est malin, il est éculé votre jeu de mots"
"Je sais,
je sais, désolée. Bon, comme je suppose que mes concitoyens bigorbourgeois râlent aussi après toi et les tiens, il serait peut-être bon de mettre en place une nouvelle stratégie de déplacement.
Qu'en penses-tu ?"
"Vous proposez
quoi ? Parce qu'il faut bien que nous déplacions et comme il y a des jardins partout …"
Madame T réfléchit un moment et
brusquement TILT l'idée ! Elle s'agenouille à côté du petit Perceval et lui murmure à l'oreille (je sais certains murmurent
à l'oreille des chevaux, mais chacun son job).
Et quelques jours plus tard, plus aucune
plainte ne se fait entendre concernant les "ravages" des taupes, bien au contraire.
Très curieusement, les taupinières, avec
leur terre bien aérée et rendue légère par des petites pattes zélées, se trouvent pile poil aux endroits où les jardiniers avaient l'intention de planter fleurs ou arbustes,
plus besoin de creuser, le travail est déjà fait. Alors si parfois, une ou deux petites buttes discrètes font leur apparition, plus personne ne râle. Quant à Perceval et à sa famille, ils sont
heureux de constater, qu'enfin, leur travail est reconnu.